Maladies chroniques et discriminations dans l’emploi

Le fait d’avoir une maladie chronique durable ou un handicap aggrave le risque d’être exposé à une discrimination dans l’emploi. C’est la raison pour laquelle la Défenseure des droits et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ont souhaité consacrer la 16e édition de leur baromètre au critère de l’état de santé au travail, et plus précisément aux discriminations concernant les personnes atteintes de maladie chronique.

La maladie chronique « est une maladie de longue durée, évolutive, souvent associée à une invalidité et à la menace de complications graves » (Source : OMS) , qui évolue lentement et nécessite une prise en charge pendant plusieurs années. Elle regroupe différents types de maladies comme le diabète, les cancers, le VIH, la dépression chronique, l’endométriose ou encore les maladies cardio-vasculaires.

En constante augmentation, les maladies chroniques sont devenues un enjeu majeur de santé au travail. Si 15% de la population active est aujourd’hui touchée, le taux devrait atteindre 25% dès 2025 soit un salarié sur quatre, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.

L’étude “Concilier maladies chroniques et travail : un enjeu d’égalité” montre qu’environ une personne sur six atteintes de maladie chronique (13%) a été confrontée à une discrimination ou à un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap, contre 3 % pour le reste de la population active.

Le baromètre 2023 apporte des précisions sur le contexte des discriminations dans l’emploi :

  • Plus de quatre personnes actives atteintes de maladies chroniques sur dix déclarent avoir vécu au moins une situation de discrimination en cherchant un emploi ou au cours de leur carrière (deux fois plus que le reste de la population) ;
  • 55% des personnes malades déclarent avoir vécu une situation de harcèlement moral dans l’emploi (35% pour le reste de la population active) ;
  • Avoir une “maladie visible” augmente les risques de discriminations (trois fois plus de risques que dans le cas d’une maladie invisible).

La maladie chronique reconnue comme un handicap

En France, depuis la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la maladie chronique est reconnue comme un handicap.

Ce statut permet au salarié de bénéficier de la protection juridique offerte aux personnes en situation de handicap contre toutes formes de discrimination. Or, seule une minorité de personnes font les démarches pour obtenir une reconnaissance administrative de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Les obligations de prévention et d’aménagement de l’employeur

Tous les employeurs, privés comme publics, sont tenus à une obligation « d’aménagement raisonnable » à l’égard des travailleurs en situation de handicap, et donc des travailleurs atteints de maladie chronique.

Il est rappelé que le refus d’aménagement raisonnable peut être considéré comme une discrimination (selon la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), ratifiée par la France et entrée en vigueur en mars 2010).

D’après l’enquête, 29% des salariés atteints d’une maladie chronique ne bénéficie pas d’un aménagement alors qu’ils en auraient besoin, et dans près d’un tiers des cas, l’employeur ne suit pas les préconisations de la médecine du travail.

Le rôle clé des services de prévention et de santé au travail

Pour prévenir les comportements dévalorisants (blagues déplacées, critiques injustes du travail, par exemple), qui accompagnent souvent les discriminations, l’employeur doit notamment s’appuyer sur la médecine du travail, qui se trouve au centre du dialogue entre l’organisation et le salarié malade.

La méconnaissance par les salariés des mesures de prévention de la santé et de réduction des risques au travail reste une tendance forte. Elle témoigne d’un accès encore très insuffisant et parfois redouté aux services de prévention et de santé au travail. Près de la moitié (47%) des personnes actives malades ont déclaré hésiter à livrer des informations à leur médecin du travail.

Au-delà du respect des obligations légales déjà existantes, la Défenseure des droits alerte dans ce rapport sur la nécessité de renforcer les moyens dédiés aux acteurs clés de la prévention de la santé au travail et de la lutte contre les discriminations, afin de consolider les droits des salariés. En mettant cet enjeu de santé au travail au cœur de ce baromètre, elle invite l’ensemble des parties prenantes à réfléchir aux modalités possibles et nécessaires à une meilleure prise en charge.

Elle préconise notamment la modification de la définition de la discrimination fondée sur le handicap, prévue par la loi du 27 mai 2008, afin d’y inscrire l’obligation d’aménagement raisonnable dans tous les domaines et secteurs concernés.

Pour en savoir plus télécharger
Étude – 16e baromètre sur la perception des discriminations dans l’emploi – 2023 (pdf, 847.18 Ko)

Source : https://www.defenseurdesdroits.fr/publication-du-16e-barometre-sur-les-discriminations-dans-lemploi-523