Le repos quotidien des salariés : principe et dérogations

Chaque salarié doit bénéficier d’un repos quotidien minimal de 11 heures consécutives, sauf dérogations limitativement prévues, soit par accord collectif, soit sur autorisation de l’inspecteur du travail, soit à l’initiative de l’employeur en cas d’urgence ; dans tous les cas, les salariés doivent alors bénéficier de périodes équivalentes de repos ou, lorsque l’attribution de ce repos n’est pas possible, des contreparties prévues par accord collectif.

C’est ce que rappelle le ministère du Travail  dans la fiche pratique ” le repos quotidien :  principe et dérogations‘ , actualisé en date du 26 février 2024,  en abordant également les points suivants:

  • Quelle est la durée minimale du repos quotidien ?
  • Quelles sont les dérogations possibles et leurs contreparties ? ( celles prévues par un accord collectif, sur autorisation de l’inspecteur du travail ou sous la responsabilité de l’employeur, en cas d’urgence )
  • Les contreparties aux dérogations

Un salarié dont le droit au repos entre deux journées de travail n’a pas été respecté peut-il être indemnisé sans avoir à démontrer de préjudices? 

[…]

Cour de Cassation, Cass. soc. 7 février 2024, n° 21-22.809
https://www.courdecassation.fr/en/d…

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

La Cour de cassation dans un dispositif assez lapidaire censure la décision rendue par la cour d’appel. Elle considère que le seul fait qu’un salarié n’ait pas bénéficié de son droit au repos quotidien constitue un manquement de l’employeur ouvrant droit à indemnisation.
Fait notable, le droit à indemnisation ne vient pas réparer un préjudice qui découlerait automatiquement du manquement à une contrainte juridique. Il s’agit ici d’indemniser un salarié du seul fait que son employeur manque à une obligation, sans référence à un quelconque préjudice.

 ÉCLAIRAGES

La solution pourrait, de prime abord, sembler évidente. L’employeur n’a pas respecté les temps de repos pourtant imposés par le législateur pour des raisons de préservation de la santé et droit à une vie personnelle. Pourtant, ce positionnement n’allait pas de soi. Il se trouve même être à contre-courant de la pratique juridique.

Si l’on se reporte aux règles de droit commun, le législateur considère que pour qu’une personne puisse être indemnisée des agissements d’autrui, il faut qu’elle démontre que ceux-ci lui ont causé un préjudice (article 1240 du Code civil). Il en va de même dans le droit commun des contrats. Le législateur prévoit en effet que la personne victime d’une inexécution du contrat signé avec une autre pourra être indemnisé pour les conséquences découlant de l’inexécution (article 1217 du Code civil).

Rappelons par ailleurs que même en droit du travail la règle est généralement la réparation du préjudice découlant d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. Il en est de même en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle où l’on viendra dès lors caractériser la faute inexcusable de l’employeur et réparer l’intégralité du préjudice du salarié.

Tandis qu’en droit administratif, il ne saurait y avoir de pouvoir de police et de sanction de plein droit sans texte…

Il est vrai que la reconnaissance même du préjudice avait déjà bien évolué. Les juges sont venus admettre la reconnaissance d’un préjudice moral d’anxiété pour le risque potentiel d’exposition à l’amiante. Pour autant, c’est bien jusqu’ici le seul préjudice qui permettait la condamnation à verser des dommages et intérêts.

Cet arrêt condamnant à la réparation du seul fait d’un manquement à une obligation légale consacre ainsi une évolution du contentieux de l’indemnisation.

Certes, il s’agit d’une évolution limitée et dont il ne faudrait pas exagérer la portée en y voyant une méthode d’appréciation généralisée. Pourtant, deux éléments doivent interpeler :

  • d’une part, la Cour de cassation a décidé de publier l’arrêt, informant dès lors les praticiens qu’elle entendait conférer une certaine portée à sa décision ;
  • d’autre part, elle n’a pas visé dans son dispositif l’article L. 3164-1 du Code du travail portant sur le droit au repos.
    Sur ce second point les juges se sont référés à l’accord collectif applicable dans l’entreprise, alors qu’il ne prévoit pas autrement que la loi. Un autre texte a en revanche été expressément visé : l’article L. 4121-1 du code du travail portant sur l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs placés sous son autorité.

DROIT EN ACTIONS

Dès lors, le juge pourrait être amené à élargir le régime de l’indemnisation des salariés lorsqu’il est démontré que l’employeur a manqué à une obligation de sécurité ; ceci sans qu’il ne soit nécessairement exigé qu’un préjudice ne découle directement de ce manquement.

Une attention particulière devra ainsi être portée à la démonstration des éléments constitutifs du manquement. Pour autant, on ne saurait que trop conseiller aux défenseurs syndicaux d’être vigilants dans la démonstration de l’existence, au moins hypothétique, d’un préjudice.
Voilà sans doute qui devrait conduire les employeurs à davantage de vigilance lorsque la santé des travailleurs est en jeu.

Source : Site UNSA :  https://www.unsa.org/3168