En cas d’arrêt de travail, le salarié bénéficie d’un revenu de remplacement communément appelé « maintien de salaire » qui se compose de trois éléments : les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), les indemnités complémentaires versées par l’employeur, et éventuellement les indemnités découlant d’une prévoyance complémentaire mise en place au sein de l’entreprise.
Pour le secteur privé, l’article L 1226-1 du Code du Travail précise que :
‘’Tout salarié ayant une année d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale’’
Le versement des indemnités complémentaires aux IJSS, par l’employeur, est donc soumis à des conditions. Le salarié :
- Doit justifier d’une année d’ancienneté dans l’entreprise (appréciée au premier jour de l’absence du salarié;
- Transmettre à l’employeur le certificat médical dans les 48 h ;
- Être pris en charge par la Sécurité sociale ;
- Être soigné en France, ou dans un État membre de l’Union européenne, ou de l’Espace économique européen ;
- Le cas échéant, se soumettre à une contre-visite médicale.
L’employeur peut décider à tout moment de l’opportunité de faire procéder à la contre-visite, dès lors que l’arrêt maladie est en cours d’exécution. C’est la contrepartie de l’obligation faite à l’employeur de maintenir tout ou partie de la rémunération du salarié (au-delà de ses droits à indemnités journalières de sécurité sociale).
L’employeur n’a pas à justifier d’un motif pour organiser cette contre-visite.
Si l’employeur verse ce maintien de salaire par application du Code du travail, il a toujours le droit d’organiser une contre-visite. Si le maintien de salaire résulte d’une convention ou d’un accord collectif, le contrôle médical du salarié n’est possible que si ce texte en prévoit expressément la possibilité.
Depuis 2008, l’alinéa 6 de l’article L 1226-1 du Code du travail se réfère à un décret en Conseil d’État pour les formes et conditions de cette contre-visite. Ce dernier n’avait cependant pas été adopté. Faute de décret, les règles en la matière ressortaient de la jurisprudence.
C’est chose faite, un décret n° 2024-692 du 5 juillet 2024 encadre et précise les modalités et les conditions de la contre-visite médicale (prévue à l’article L. 1226-1 du Code du travail) diligentée par l’employeur, au domicile du salarié ou à un lieu communiqué par lui, ou sur convocation au cabinet du médecin mandaté par l’employeur pour effectuer la contre-visite.
Sont ainsi insérés les nouveaux articles du Code du travail suivants :
Art. R. 1226-10 : « Le salarié communique à l’employeur, dès le début de l’arrêt de travail délivré en application de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu’à l’occasion de tout changement, son lieu de repos s’il est différent de son domicile et, s’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention “sortie libre” prévue à l’article R. 323-11-1 du même code, les horaires auxquels la contre-visite mentionnée à l’article L. 1226-1 peut s’effectuer.»
Art. R. 1226-11 : « La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l’employeur. Ce médecin se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée.
La contre-visite s’effectue à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin :
– soit au domicile du salarié ou au lieu communiqué par lui en application de l’article R. 1226-10, en s’y présentant, sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé, en dehors des heures de sortie autorisées en application de l’article R. 323-11-1 du code de la sécurité sociale ou, s’il y a lieu, aux heures communiquées en application de l’article R. 1226-10 du présent code ;
– soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation. Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il en informe le médecin en en précisant les raisons. »
Art. R. 1226-12 : « Au terme de sa mission et sans préjudice des obligations qui lui incombent en application du II de l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, le médecin informe l’employeur, soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail, soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.
L’employeur transmet sans délai cette information au salarié ». »
Ce décret est entré en vigueur le 7 juillet 2024.
Le salarié peut-il refuser ce contrôle ?
Le salarié doit se soumettre à la contre-visite organisée par l’employeur dès lors que les conditions requises sont remplies.
Le refus du salarié de se soumettre à la contre-visite est un manquement à son obligation, manquement qui le prive du bénéfice des indemnités mais uniquement pour la période postérieure à la date du contrôle mais il ne peut pas être sanctionné ou licencié pour ce motif.
Attention! Le salarié n’a pas le droit d’exiger la présence d’un tiers ou d’imposer une consultation préalable de son dossier médical.
Refus justifiés
Le refus du salarié de subir la contre-visite médicale est légitime lorsque :
- Le médecin ne décline pas sa qualité de docteur en médecine et celle de mandataire de l’employeur
- L’inaptitude du salarié a déjà été reconnue par le médecin du travail
- L’état de santé du salarié rend extrêmement douloureux l’examen clinique permettant d’apprécier la gravité de l’affection
Preuve de l’impossibilité d’effectuer la contre-visite
C’est à l’employeur qui a pris l’initiative du contrôle d’établir que l’impossibilité du contrôle est due au salarié (Cass. soc., 30-06-1988, n° 86-41.898)
Et si le salarié est absent au moment du contrôle ?
Le salarié absent au moment où le médecin contrôleur se présente, en dehors des heures de sorties autorisées par son médecin traitant, perd le bénéfice du maintien de son salaire pour le reste de son arrêt de travail, sauf s’il justifie auprès de l’employeur d’un motif légitime.
C’est le cas par exemple :
- Lorsque le salarié se trouvait en consultation chez un médecin pour une raison médicale liée à l’arrêt prescrit ( soc. 14 décembre 2011, n° 10-16.043).
- Lorsque la visite du médecin contrôleur a lieu pendant les heures de sorties autorisées ( soc., 26 septembre 2012, n° 11-18.937)
Quelle est la portée de ce contrôle ?
Le refus ou l’absence injustifiée du salarié n’ont d’effet que sur les indemnités complémentaires versées par l’employeur.
Si le médecin contrôleur confirme l’incapacité de travail du salarié, il en informe l’employeur, qui reste alors tenu du maintien de tout ou partie du salaire de ce dernier.
Si le médecin contrôleur estime que l’état de santé du salarié ne justifie pas ou plus son arrêt de travail, et qu’il est apte à réintégrer son poste, l’employeur est libéré de son obligation de verser le maintien de salaire, pour la période postérieure au contrôle.
Ainsi, la cessation de paiement est possible si :
- Le médecin considère que l’état de santé du salarié lui permet de reprendre le travail et que le salarié refuse
- Le salarié refuse de recevoir le médecin alors que le médecin a valablement justifié de sa qualité de docteur en médecine
- Le salarié est absent de chez lui en dehors des heures de sortie autorisée sans motif légitime
La suppression de ces indemnités ne peut prendre effet que pour la période postérieure au contrôle et ne remet pas en cause les indemnités versées avant le contrôle (Cass. soc. 15-10-1987, n° 85-40555)
Le salarié ne peut pas être sanctionné ou licencié pour ce motif.
Attention ! Il ne faut pas confondre la contre-visite médicale diligentée par l’employeur avec les contrôles opérés par la caisse de sécurité sociale qui verse les indemnités journalières de maladie mises en œuvre de sa propre initiative.
Ces deux contrôles présentent néanmoins des liens : le médecin contrôleur diligenté par l’employeur doit transmettre ses conclusions à la caisse de sécurité sociale s’il n’a pas pu procéder au contrôle ou s’il estime que l’arrêt de travail n’est pas médicalement justifié. La caisse, après réexamen du dossier, peut décider de suspendre les indemnités journalières de maladie qu’elle verse au salarié.
Contestation par le salarié de la décision du médecin-contrôleur
Le salarié peut contester les conclusions du médecin contrôleur en sollicitant une autre contre-visite ou en demandant une expertise judiciaire en saisissant le juge des référés pour qu’il désigne un médecin expert.
Si les conclusions de ce dernier confirment la nécessité de l’arrêt de travail, l’employeur doit continuer le versement des indemnités complémentaires.