Non-signature du reçu du solde de tout compte et prescription ?

Le reçu solde de tout compte c’est quoi ?

C’est l’un des documents de fin de contrat remis obligatoirement au salarié lors de la rupture de son contrat de travail, quelle qu’en soit la cause.

Ce document dresse l’inventaire des sommes versées au salarié à l’occasion de la rupture ou de la fin de son contrat de travail, c’est-à-dire qu’il doit être décliné le plus précisément possible et détailler quelles sommes lui ont été versées et à quel titre (salaire, primes, indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de rupture, etc.)

Il doit être établi en double exemplaire dont un est remis au salarié, mention en est faite sur le reçu (article D. 1234-7 du Code du travail).

Ce document est uniquement quérable. Il n’est pas portable. C’est-à-dire que l’obligation de l’employeur se limite :

  • D’une part, à informer le salarié de la disponibilité de son reçu ;
  • D’autre part, lui permettre de venir le retirer.

L’employeur n’est donc pas tenu de le lui faire parvenir directement.

S’il y a un préavis, le solde de tout compte doit normalement être établi à la fin de ce préavis.

Le reçu pour solde de tout compte doit être daté et signé par l’employeur et le salarié.

Le salarié est parfaitement libre :

  • De signer le reçu ;
  • De le signer et d’émettre une réserve générale ou particulière ;
  • Ou de ne pas le signer

En cas de signature du reçu pour solde de tout compte, les sommes mentionnées pourront être dénoncées uniquement dans les six (6) mois (article L 1234-20 du Code du travail ) qui suivent sa signature par lettre recommandé avec accusé de réception (article D1234-8 du Code du travail). Délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur, c’est-à-dire que le salarié ne pourra plus contester en justice le défaut de versement de toute ou partie des sommes visées au terme du solde de tout compte, sans avoir à motiver sa lettre.

Ce solde dont le salarié donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Il peut être rédigé en des termes généraux (Cass soc 18 décembre 2013, n° 12-24.985).

En revanche, le reçu pour solde de tout compte faisant état d’une somme globale et qui renvoie pour le détail des sommes versées au bulletin de paie annexé n’a pas d’effet libératoire (Cass. Soc., 14 février 2018, n° 16-16.617).

 La dénonciation du reçu pour solde de tout compte peut également résulter de la saisine du conseil de prud’hommes. Dans ce cas, la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes devra être reçue par l’employeur avant l’expiration du délai de 6 mois prévu par l’article L 1234-20 du Code du travail (arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 2018).

Après l’expiration du délai de dénonciation, la demande du salarié qui conteste le calcul effectué par l’employeur est irrecevable.

Mais le fait d’avoir signé le reçu pour solde de tout compte n’interdit pas de présenter d’autres demandes en justice. Le salarié peut notamment contester la légitimité de son licenciement et réclamer une indemnité pour rupture abusive.

En revanche, si le salarié refuse de le signer ou émet une réserve, telle une mention générale du type ‘’sous réserve de mes droits’’, le reçu est dénué d’effet libératoire.

Le droit d’agir du salarié reste limité par le délai de prescription de droit commun applicable à sa demande :

  • 12 mois pour une action portant sur la rupture du contrat de travail ;
  • 2 ans pour une action portant sur son exécution ;
  • 3 ans pour les demandes salariales ;
  • 5 ans pour les demandes fondées sur une discrimination ou un harcèlement).

Attention!  Ne pas signer permet de bénéficier d’un délai plus long sans pour autant que la prescription soit suspendue.

Dans une affaire récente la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre sociale, 14 novembre 2024, pourvoi n° 21-22.540) a précisé qu’un solde de tout compte non-signé n’a aucun effet sur le délai de prescription qui ne court pas ou n’est suspendu qu’en cas d’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Dans cette affaire, le salarié faisait valoir que la prescription n’avait pas commencé à courir car il n’avait pas signé le solde de tout compte pendant les 4 ans de son incarcération. La cour d’appel lui avait donné raison sans que soit caractérisée une cause d’interruption ou de suspension du délai de prescription.

La Cour de cassation n’est pas du même avis, l’action en contestation était prescrite.

Pour rappel : L’employeur dispose lui aussi d’un délai de 3 ans pour contester les sommes versées, notamment s’il a trop payé.