La Cour de cassation, dans deux nouveaux arrêts publiés le 4 septembre 2024, admet trois nouveaux cas de manquements de l’employeur entraînant une réparation automatique au salarié sans que ce dernier n’ait besoin d’établir que ce manquement lui a causé un préjudice.
Aux termes de ces deux arrêts, la Haute juridiction consacre ainsi trois nouvelles situations de ”préjudice nécessaire” : le non-respect du temps de pause quotidien et le défaut de suspension des prestations de travail pendant un arrêt maladie ou un congé maternité.
- Le non-respect du temps de pause quotidien
le travail continu au-delà de six heures sans respecter la pause légale de 20 minutes, cause un préjudice, conformément à l’article 4 de la directive 2003/88/CE de l’UE.
En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir fait travailler une salariée pendant 10 heures sans pause.
Le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation.
Cass. soc., 4 septembre 2024, n°23-15.944
- Faire travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie
L’employeur qui fait travailler un salarié pendant son arrêt maladie lui cause un préjudice, sur le fondement des articles 5 et 6 de la directive 89/391/CEE.
En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir fait intervenir une salariée à trois reprises pour effectuer une tâche ponctuelle, pendant son arrêt de travail.
Le seul constat du manquement de l’employeur en ce qu’il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ouvre droit à réparation.
Cass. soc., 4 septembre 2024, n°23-15.944
- Faire travailler une salariée pendant son congé maternité
Pour rappel : L’article L1225-29 du Code du travail dispose qu’il est interdit d’employer une salariée pendant une période de :
- 8 semaines au total avant et après l’accouchement ;
- Dont 6 semaines au moins après l’accouchement.
L’absence de suspension de travail pendant le congé maternité est également considérée comme un préjudice, selon l’article 8 de la directive 92/85/CEE, qui prévoit une période minimale de 14 semaines continues de congé maternité.
En l’espèce, il était reproché à l’employeur d’avoir demandé à une salariée de venir travailler pendant son congé maternité.
Le seul constat du manquement de l’employeur à son obligation de suspendre toute prestation de travail durant le congé de maternité ouvre droit à réparation.
Cass. soc., 4 septembre 2024, n°22-16.129
Pour ces manquements, les salarié.es n’ont donc pas besoin de démontrer leur préjudice, qui est présumé, afin d’en obtenir réparation.
En revanche, la Cour de cassation a décidé que tel n’est pas le cas de l’absence de suivi médical ou de visite de reprise après un congé maternité ou un classement en invalidité en deuxième catégorie. Pour la Cour le non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de suivi médical ne cause pas nécessairement au salarié.e un préjudice spécifique – le (la) salarié.e qui doit démontrer son existence pour obtenir une indemnisation.
Ces deux arrêts contribuent à préciser un peu plus le régime du ‘’préjudice nécessaire’’.
La théorie du ”préjudice nécessaire” implique que le salarié victime n’a pas besoin de démontrer la faute de l’employeur pour être indemnisé.
Un préjudice nécessaire est principalement reconnu en cas de violation d’une disposition d’une directive européenne ou d’une convention internationale d’effet direct, en l’absence de dispositions spécifiques de droit interne imposant une indemnisation.
Avec cette théorie, un préjudice est indemnisable pour un salarié du fait de la seule violation par l’employeur d’une obligation légale en ce qui concerne le droit à la santé et au repos du salarié.
- Dans le cas de dépassement de la durée maximale de travail
Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation (Cass. soc., 26 janvier 2022, n°20-21.636 ; Cass.soc., 11 mai 2023, n°21-22.281 ; Cass.soc., 27 septembre 2023, n°21-24.782 )
- Dans le cas de non-respect du droit au repos quotidien conventionnel
Le seul constat que le salarié n’a pas bénéficié du repos journalier conventionnel de douze heures entre deux services ouvre droit à réparation (Cass.Soc. 7 février 2024, n°21-22.809).